Avant de décrire les méthodes et les outils, il est fondamental de définir quelques principes qui assureront le sens de l’ensemble des actions menées.
Valeurs
L’avenir se construit avec des valeurs et non sur des règles ou des principes techniques, car c’est une société humaine que nous construisons, basée sur une vision commune. Loin des principes dogmatiques, ces valeurs universelles sont à la base des toutes les sociétés et toutes les cultures, bien que souvent oubliées dans un monde où règnent surtout l’individualisme et le plaisir immédiat. Les valeurs humaines fondamentales qui garantiront le principe éthique de nos actions ne sont pas exclusives, mais sont, bien au contraire, un moyen fédérateur : respect de la personne humaine, dignité, honneur, fidélité, courage, solidarité, loyauté… Il serait illusoire d’espérer construire une société sans avoir confiance les uns dans les autres, et cette confiance ne peut exister que dans le respect des valeurs humaines.
Bien-être, équilibre et harmonie
Le deuxième principe consiste à bien définir l’objectif de la démarche. Les outils les plus nobles peuvent devenir néfastes si la finalité est perverse. Il est donc essentiel de préciser que l’objectif est de participer au bien-être et à l’équilibre des habitants du territoire, en commençant par les humains, mais sans omettre les non-humains. Humains et non-humains ont une communauté de destin et d’intérêt, et nous ne pourrons pas assurer notre propre harmonie indépendamment des systèmes vivants qui produisent les services indispensables à notre vie. Toute action engagée doit ainsi participer à la vie — plus qu’à la survie — sur le territoire, car la vie est notre principale richesse, sans laquelle les autres richesses n’ont pas grande valeur.
1.3. Oïkos, écologie et économie
Même s’il est nécessaire d’arbitrer entre différents enjeux, économique et écologique, et de choisir parfois l’un au détriment de l’autre, il est essentiel de garder à l’esprit que les deux concepts ne peuvent être traités séparément. Economie et écologie ont la même racine — Oïkos, le foyer, la maison commune — et concourent donc à la même finalité, qui est la pérennité de notre lieu de vie, de notre bien-être. Cette pérennité est assurée autant par la connaissance (Oïkos-logos, écologie) que la gestion des ressources (Oïkos-nomos, économie). 40 % de l’économie mondiale est basée sur les services produits gratuitement par les écosystèmes, et il ne peut donc être question d’opposer l’écologie à l’économie. Une grande partie de la valeur économique de la Bretagne est déterminée par le bon fonctionnement de ces écosystèmes (agriculture, tourisme), et c’est donc un investissement que de préserver ce capital naturel.
Subsidiarité
La liberté engendre l’innovation et la diversité, permettant l’adaptation aux contraintes et aux opportunités. La subsidiarité consiste à laisser aux plus petits échelons l’initiative de l’action, sans essayer de normer, réguler ou imposer des méthodes générales. Ce sont les acteurs de terrain — entrepreneurs, agriculteurs, forestiers, familles, collectivités… — qui ont la connaissance et l’expérience pour des expérimentations pragmatiques et réalistes. Les échelons supérieurs (Etat, région, têtes de groupes industriels…) ont donc pour vocation de leur donner les moyens de cette liberté, même s’il est indispensable de fixer des limites pour rester dans le domaine des valeurs humaines et du respect du bien commun. Le territoire à construire est une mosaïque diversifiée, adaptative aux réalités de chaque contexte économique, écologique et social. Seule la subsidiarité permettra d’obtenir ce résultat.
Technologie
Les débats écologiques actuels opposent souvent la technologie à la nature, et il n’est pas rare d’éprouver une réelle méfiance vis-à-vis des innovations uniquement technologiques. Or notre bien-être est assuré par deux éléments indissociables qui sont d’une part les services produits par la nature et d’autre part la technologie qui permet de les optimiser à notre profit. Altérer l’un de ces deux piliers consiste donc à affaiblir l’édifice. En conséquence, les technologies — même les plus artificielles — doivent être abordées sans a priori, dès lors qu’elles respectent les valeurs humaines et le bien commun. L’innovation technologique est sans aucun doute l’atout principal pour l’intégration écologique. La plupart de nos technologies actuelles sont dépassées car inadaptées aux nouvelles conditions : rareté des ressources, coût de l’énergie, niveau de consommation humaine. Elles ne sont pas forcément mauvaises, mais obsolètes. Elles peuvent toutefois être à la base des nouvelles technologies qui assureront la croissance du bien-être.
Territoires
La notion de territoire pourrait s’opposer aux objectifs si elle était comprise comme une limitation figée de l’espace, topographique ou cadastrale. Le territoire est simplement le support physique sur lequel s’épanouit la vie, et les frontières n’ont pas de sens. Il doit être compris comme une superposition et un enchevêtrement de zones à enjeux variés, qui ne s’excluent pas les unes les autres, mais participent au contraire à leurs activités respectives. Un territoire est lié à une population qui se reconnait elle-même dans ce territoire, à un ensemble de ressources et de services, et la notion doit rester très ouverte. Il n’y a aucun intérêt à dépenser de l’énergie pour définir des limites exactes au territoire, car l’essentiel est simplement d’assurer les bonnes relations entre ses habitants, humains et non humains.