Article : L’Américaine Moody’s prend le contrôle de l’agence de notation ESG française Vigeo

Portrait de Nicole Notat lors de l’emission « Place-aux-idees » en 2012/2013 – LCP/Tilder/Institut-Montaigne -©Fred Toulet/Leemage

 

 

La notation dite extra-financière est plus que jamais en train de devenir financière. Dernier symbole de ce basculement : l’approbation de la prise de contrôle par Moody’s, agence de notation crédit américaine, de Vigeo, agence de notation Environnementale, Sociale et de Gouvernance (ESG) des entreprises, créée par Nicole Notat en 2002.

 

 

 

Vigéo, l’agence française de notation extrafinancière, rachetée par Moody’s, grand classique dans la notation financière… La fin d’une illusion française ? L’abandon de la belle idée que les indicateurs extrafinanciers pourraient prendre le pas sur les logiques de compétition financière ? Ce rapprochement est peut être simplement le signe qu’il n’y avait pas tant d’écart entre ces deux visions de la notation, où plutôt que l’approche écologique et sociale restait toujours subordonnée à l’approche financière, ce qui ne pourra pas résoudre l’équation actuelle. C’est d’autant plus intéressant que cela advient avec l’adoption de la loi Pacte, inspirée d’un rapport co-écrit par la fondatrice de Vigeo.

Il s’agit peut-être d’un signe du temps : la radicalité s’impose et chacun doit choisir son camp. On ne peut servir deux maîtres à la fois. Vigeo était une très belle idée, et aussi une belle tentative de vouloir réformer un système économique qui est devenu une distorsion conceptuelle du principe même d’économie. Bien tenté, mais comme tout système, celui-ci est résilient. Faute d’avoir franchi le plafond de verre pour sortir du milieu de ce modèle, Vigeo a été rattrapé par la bête vorace qui transforme tout. Mais les temps changent, et il ne dépend que de nous de poursuivre ce combat . Un chemin a été entamé par Vigeo à une époque où il pouvait encore être pardonnable de rêver à une réforme de l’économie à finalité financière. A nous de le poursuivre en capitalisant sur l’expérience, mais sans regard vers un ancien régime qui ne sert plus l’humanité.

Non ! La RSE ne peut plus être un aspect accessoire de l’entreprise visant à réduire (un peu) ses externalités négatives. Elle ne peut plus être subordonnée à la logique des marchés. Les entreprises gagnantes de demain l’ont déjà compris : la RSE est au cœur même de leurs stratégies, et fait ainsi évoluer leur modèle économique. Ce n’est plus une nouvelle version de la RSE, mais une RSE totalement nouvelle : passer de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise à la Révolution Sociétale de l’Entreprise. Il suffit d’écouter la voix des peuples pour comprendre la puissance des mouvements en cours. D’ailleurs, les indicateurs sont déjà bien présents : les collaborateurs, en particulier les plus jeunes, se détournent des dinosaures pour rechercher du sens. Malgré la pression exercée par le marketing et les publicités souvent trompeuses, les consommateurs commencent à choisir aussi – même si c’est encore loin d’être suffisant. Le boycott de certaines entreprises au Maroc devrait inciter les vrais dirigeants à une réflexion profonde sur leur pérennité. Je ne suis pas sûr que Danone, qui a été l’une des cibles de ces attaques, méritait les reproches qui lui ont été faits, mais cela n’est pas le sujet, puisqu’il s’agit simplement de montrer l’efficacité des outils offensifs des consommateurs, et les conséquences pour les entreprises. Accompagner cette révolution sociétale est un devoir pour un entrepreneur soucieux de la résilience de son entreprise, car cela s’appelle répondre aux nouveaux marchés !

La révolution ne consiste pas à faire table rase, mais bien au contraire à réorienter l’ensemble des outils de production pour le service de l’Homme et de la Vie. C’est avant tout un changement profond des modes de pensées pour nous désintoxiquer de l’habitude de la compétition technocratique et retourner à nos racines : les systèmes vivants, seuls modèles véritablement résilients, basés sur la collaboration et l’échange de services réciproques.

Nous pouvons regretter que Vigeo n’ait pas été jusqu’au bout de sa logique, mais nous réjouir de cette période extraordinaire que nous vivons : l’avenir appartient aux entrepreneurs qui ont compris que les compétences humaines sont les clés de la victoire.

(voir aussi http://www.oetopia.fr/rse-revolution-societale-des-entreprises/)

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